MONOGRAPHIE
 
SOCIETES
CULTURE
HISTOIRE
CARTOGRAPHIE
MEDIATHEQUE
COLLO INFOS
 
ASSOCIATIONS
CHRONIQUES
 
Bienvenue sur le site du Colliote. - Site actualisé le : 25 Juillet 2013
 


Evénements du 8 mai 45 à Collo


Des villages pilonnés

De l’atmosphère qui régnait à Collo la veille du 8 mai 1945, certains anciens du PPA se souviennent. À l’époque, les partis politiques et notamment le PPA étaient interdits et Messali El Hadj enfermé. Seuls les Amis du manifeste et de la liberté (AML) ) activaient. Si dans le comité central des AML (créé le 14 mars 1943 par Ferhat Abbès), presque toutes les formations politiques et organisations des Algériens musulmans étaient représentées assurant un certain équilibre, dans les sections de base, par contre, comme celle de Collo, on voit une grande influence des militants indépendantistes du PPA qui n’activaient sous la bannière des AML que pour contourner l’interdiction de l’activité politique décidée par la France et respecter une décision politique de leur direction.

Cette base, formée surtout de jeunes, a déjà commencé “à déborder les limites” de cette structure transpartisane et des tracts circulaient chez les “messalistes locaux” depuis le mois de mars 1945, appelant au refus de la citoyenneté française et à la revendication de la citoyenneté algérienne.
Sur les murs de la ville étaient placardés les appels de Roosvelt et de Churchill pour la liberté des peuples et leur émancipation. C’était pour le PPA local un défi à l’administration française et un signe de reconnaissance des Anglo-Saxons.

Du 1er au 7 mai 1945, trois importantes réunions du PPA local se sont déroulées dans la clandestinité aux lieux-dits Boussabhane, Tabana et Dambo dans le but de préparer la commémoration de la journée du 8 Mai. Étaient présents, selon Hocine Boubakour, l’un des acteurs principaux de cette journée toujours en vie, MM. Hioun (un dirigeant du PPA d’un certain âge à l’époque), Laâla Cherif, Saouli Bachir, Zighed Tayeb, Rouibah Tahar, Harkat Mustapha, Kezzar Mohamed, Boussaâdia Mohamed, Bourbia Fodil, notre témoin, et d’autres jeunes militants de la base.

Entre-temps, au niveau des AML, une réunion pour prendre position vis-à-vis du projet des messalistes s’est tenue dans le quartier populaire de Birkaïd, chez Mohamed Balahouane.
Lors de la réunion, un noyau s’alignera carrément sur les thèses des jeunes du PPA. Des témoins citent dans ce noyau Lamouchi, les frères Ghemired (Ali et Mokhtar), Hocine Touta, Allaoua Tabti et Laïd Stambouli (flambeau).

Le 8 mai 1945, une grande foule, formée de militants appartenant aux principales formations politiques nationales et de sympathisants, menée par les jeunes du PPA, assista aux côtés des Français et des représentants de l’administration coloniale au dépôt de gerbes de fleurs au monument des morts, situé en face du siège actuel de l’APC. Aux environs de 9 heures…

Au moment où on a commencé à entonner la Marseillaise, les Français étaient surpris par la fusion de Min Djibalina et des slogans indépendantistes de partout ainsi que de l’apparition, pour la première fois à Collo, de la première esquisse de l’emblème national aux quatre coins de la placette.
Les jeunes scouts musulmans, de passage dans les lieux vers la sortie de la ville, côté de Trik-Louis, se mêlèrent à la foule. S’ensuivit alors une intervention musclée des différents corps des services de sécurité présents à Collo. Les jeunes du PPA et les éléments du noyau des AML furent emprisonnés et torturés pendant plusieurs mois pour certains.



Collo à feu et à sang

Le mot d’ordre des colons et de l’armée, appelée en renfort, est significatif : “Collo à feu et à sang.”
Des doyens de Collo se souviennent toujours. L’après-midi du 8 mai 1945, et au moment où un couvre-feu de fait était instauré, une unité de la marine française, à partir de la rade de Ben Zouit, pilonna les quartiers arabes et les villages de Collo. Deux avions bombardèrent plusieurs quartiers, notamment celui de Boussebhane et Téléza. Pour M. Boubakour, “toute la France et ses alliés, les caïds et autres supplétifs se sont mis à la répression comme s’ils n’attendaient que cette occasion pour verser leur haine sur une jeunesse qui n’a fait que croire en des valeurs et des promesses occidentales”. La journée du 8 mai a fait quatre morts au sein de la population locale.

Plus tard, le 15 mai, avec la dissolution des AML, la répression s’est étendue à tous les responsables locaux de cette organisation qui n’ont pas rejoint les supplétifs dans la répression.
Le 20 mai, et sur instigation du maire de Collo, M. Devors, l’ensemble des Colliotes de l’école des indigènes inscrits au CEPE furent recalés. C’était une terrible répression qui s’est abattue sur une région qui sacralisait l’école. Parmi les recalés de cette année, on peut citer Ahmed Triki, un génie qui brilla plus tard par ses études post-universitaires en technologie en outre-mer, le Dr Lamine Khene, qui sera plus tard un des organisateurs de la santé de l’ALN et membre du gouvernement provisoire, et la poétesse et militante Colette Grégoire (Anna Greki).

Pour cette génération, notamment ceux qui ont pris part aux évènements, Novembre ne peut pas être réduit à un quelconque accident de l’histoire ou a une expression violente d’une quelconque idéologie ou croyance. C’est une étape déterminante dans un long processus d’aspiration ancestrale à la liberté et dans la lutte dans le cadre du mouvement national caractérisé par le multipartisme. Le tout, en parfaite harmonie avec l’évolution de la pensée et les faits politiques universels. C’est pour cela que cette page glorieuse de la lutte du peuple algérien doit être écrite tant qu’il reste encore, Dieu merci, quelques acteurs en vie.

Mourad Kezzar.
Photos extraites du site :http://aureschaouia.free.fr/webgallerie/

Retour Chronique hier -- Vers le haut